Une nouvelle lecture du secret professionnel de l’avocat par la Cour de cassation
La Cour réaffirme que la confidentialité dans la relation avocat-client ne se limite pas aux seules procédures judiciaires.
Par un arrêt du 8 octobre 2025 (n° 24-16.995), la chambre commerciale de la Cour de cassation a adopté une interprétation plus large du secret professionnel de l’avocat, s’écartant ainsi de la position récemment retenue par la chambre criminelle.
Saisie d’un litige fiscal (portant sur la question de savoir si les autorités fiscales peuvent, devant une cour d’appel, modifier les fondements juridiques invoqués lors de la réévaluation initiale et présentés devant la juridiction de première instance), la Cour a jugé qu’en toutes matières, qu’il s’agisse du domaine du conseil ou de celui de la défense, les correspondances, consultations et pièces échangées entre un client et son avocat sont couvertes par le secret professionnel. Cette décision confirme que la confidentialité attachée à la relation avocat-client ne saurait être limitée aux seules procédures juridictionnelles.
Une telle approche contraste nettement avec celle retenue par la chambre criminelle dans son arrêt du 24 septembre 2024 (n° 23-84.244), qui avait adopté une conception plus restrictive du secret professionnel, en limitant sa protection aux documents et correspondances qui relèvent de l’exercice des droits de la défense.
La coexistence de ces deux lectures met en lumière une divergence au sein même de la Cour de cassation : là où la chambre criminelle cantonne la protection du secret à l’activité de défense, la chambre commerciale l’étend à l’ensemble de l’activité de conseil juridique. Cette incertitude fragilise la prévisibilité du régime applicable aux échanges avocat-client, notamment dans certains domaines où les fonctions de conseil et de défense sont imbriquées.
Dans ce contexte, une clarification par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation apparaît souhaitable afin d’unifier la portée du secret professionnel, de consacrer la conception plus large retenue par la chambre commerciale et d’assurer ainsi sa cohérence avec le droit européen, la Cour de justice de l’Union européenne ayant, dans sa jurisprudence la plus récente (CJUE, 26 septembre 2024, n° C-432/23), estimé que le secret couvre tant les fonctions de conseil que celles de défense et qu’il constitue un droit garanti par l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne opposable, en l'espèce, à l'administration fiscale luxembourgeoise.