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Fin de l'insecurite juridique

Fin de l'insécurité juridique entourant les créations de stagiaires

En bref

Le contexte : L'ordonnance n° 2021-1658 du 15 décembre 2021 aligne le régime des inventions et logiciels créés par des non-salariés, principalement des stagiaires, sur celui des créations de salariés ou agents publics.

Aller plus loin : Les entreprises et administrations sont invitées à revoir rapidement leurs conventions-types de stage pour s'assurer de leur légalité au regard des nouvelles dispositions et tirer avantage des nouvelles possibilités offertes.

Par Ordonnance n°2021-1658 du 15 décembre 2021, le législateur français a clarifié le statut des inventions et logiciels créés par des non-salariés (stagiaires) en l'alignant sur le régime existant pour les créations de salariés, mettant ainsi fin à l'insécurité juridique entourant cette situation assez fréquente.

Droit positif antérieur à la réforme

En France, les droits patrimoniaux sur une invention ou un logiciel appartiennent respectivement à l'inventeur ou à l'auteur. Des dispositions spécifiques régissent toutefois les inventions de salariés ou d'agents publics (art. L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle) (i) qui appartiennent à l'employeur si elles sont faites par le salarié dans l'exécution d'un contrat de travail comportant une mission inventive ou d'étude et de recherches qui lui sont spécifiquement confiées (inventions dites « de mission ») ou (ii) dont l'employeur peut se faire attribuer la propriété ou la jouissance lorsqu'elles sont faites par un salarié au cours de l'exécution de ses fonctions ou dans le domaine des activités de l'entreprise ou par la connaissance ou l'utilisation des techniques, moyens ou données de l'entreprise (inventions dites « attribuables »), et ce moyennant le paiement d'une « rémunération supplémentaire » en cas d'invention de mission ou d'un « juste prix » pour les inventions attribuables. De même, les droits patrimoniaux sur les logiciels créés par un ou plusieurs employés dans l'exercice de leurs fonctions ou d'après les instructions de leur employeur sont dévolus à l'employeur (art. L. 113-9 CPI).

Une insécurité juridique entourait toutefois les inventions faites par des stagiaires ou les logiciels créés par eux, qui ne bénéficiaient pas des dispositions précitées spécifiques aux salariés ou agents publics. Cette insécurité juridique était d'autant plus grande que les conventions de stages n'abordent pas toujours les droits sur les inventions ou créations des stagiaires et que la légalité de certaines conventions attribuant à la structure d'accueil les droits sur les inventions ou créations était contestée par la jurisprudence (CNRS v. Puech, Cass. Com., 25 avril 2006 ; CA Paris, 29 mai 2013 ; C.E., 22 février 2010).

Le nouveau régime des inventions et logiciels de stagiaires

L'ordonnance n° 2021-1658 du 15 décembre 2021 vient mettre un terme à cette insécurité juridique, avec pour objectif affirmé d'« harmonis[er le] traitement des personnels qui participent aux efforts de recherche », de « renforce[r] la sécurité juridique de l'ensemble des parties prenantes en clarifiant leurs droits » et « d'améliorer le transfert des résultats auxquels ces personnels ont contribué vers des entreprises exploitantes » (compte rendu du Conseil des ministres du 15 décembre 2021). Les personnes visées par ces nouvelles dispositions sont principalement les stagiaires, doctorants étrangers et professeurs ou directeurs émérites accueillis « dans le cadre d'une convention par une personne morale de droit privé ou de droit public réalisant de la recherche ».

Les nouveaux articles dans le code de la propriété intellectuelle

En pratique, l'ordonnance institue deux nouveaux articles dans le code de la propriété intellectuelle :

  • le nouvel article L. 611-7-1 CPI, applicable aux inventions, dispose que : « Lorsque l'inventeur est une personne physique qui ne relève pas de l'article L. 611-7 et qui est accueillie dans le cadre d'une convention par une personne morale de droit public ou de droit privé réalisant de la recherche, le droit au titre de propriété industrielle portant sur l'invention réalisée par cet inventeur est, à défaut de stipulation plus favorable à ce dernier, défini selon les dispositions ci-après », ces dispositions étant les mêmes que celles régissant les inventions de salariés ou d'agent publics qui distinguent donc (i) les inventions de mission de stage (réalisées par l'inventeur « dans l'exécution soit d'une convention comportant une mission inventive qui correspond à ses missions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées »), qui appartiennent à la personne morale d'accueil et qui ouvrent droit à une « contrepartie financière » au bénéfice du stagiaire et (ii) les inventions attribuables à la personne morale d'accueil (si l'invention est réalisée par l'inventeur « a) soit dans l'exécution de ses missions et activités, b) soit dans le domaine des activités confiées par cette personne morale, c) soit par la connaissance ou l'utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à cette personne morale, ou de données procurées par celle-ci) qui ouvrent droit au paiement d'un juste prix au bénéfice du stagiaire » ;
  • le nouvel article L. 113-9-1 CPI, applicable aux logiciels, dispose que : « Sauf stipulations contraires, lorsque des personnes qui ne relèvent pas de l'article L. 113-9 et qui sont accueillies dans le cadre d'une convention par une personne morale de droit privé ou de droit public réalisant de la recherche créent des logiciels dans l'exercice de leurs missions ou d'après les instructions de la structure d'accueil, leurs droits patrimoniaux sur ces logiciels et leur documentation sont dévolus à cette structure d'accueil, seule habilitée à les exercer, si elles se trouvent à l'égard de cette structure dans une situation où elles perçoivent une contrepartie et où elles sont placées sous l'autorité d'un responsable de ladite structure ».

L'ordonnance ne comporte pas de dispositions transitoires, de sorte qu'elle ne devrait s'appliquer qu'aux inventions et créations postérieures à son entrée en vigueur. Un décret est en outre annoncé pour préciser certaines modalités d'application, comme notamment la contrepartie financière due pour les inventions.

Attention, l'ordonnance s'applique uniquement aux inventions et logiciels et ne concerne donc pas les autres créations protégeables par d'autres droits de propriété intellectuelle.

Conclusion

Les entreprises sont invitées à revoir rapidement leurs conventions-types de stage pour s'assurer de leur légalité au regard des nouvelles dispositions et, pour les conventions en cours, à signer tout avenant qui s'avèrerait nécessaire ou, en tout état de cause, informer les stagiaires concernés de l'application de nouvelles dispositions. Elles devront également étendre leurs politiques de rémunération des inventions de salariés aux stagiaires, tout en les adaptant notamment pour tenir compte du minimum légal ou conventionnel de la gratification de stages.

Quatre points importants à retenir

  1. Le statut des inventions et logiciels créés par des non-salariés est désormais aligné sur le régime existant pour les salariés et agents publics.
  2. La nouvelle ordonnance prévoit les cas dans lesquels les droits patrimoniaux sur une invention ou un logiciel créé par un non-salarié, comme un stagiaire, appartiennent à la personne morale accueillant cette personne.
  3.  Les conventions-types prévues pour l'accueil des non-salariés doivent être revues pour s'assurer de leur conformité avec le nouveau texte.
  4.  Il convient de surveiller la publication du décret annoncé devant fixer les règles d'évaluation de la rémunération due aux inventeurs non-salariés en application des nouvelles dispositions.
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