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Arrêt SIDRU: une opération de couverture n'est pas exclusive d'une prise de risque, même illimitée

En Bref

Le contexte : Dans le sillage de la décision Saint-Leu-la-Forêt du 28 mai 2018, la Cour de cassation rend une décision importante en matière de swaps structurés à la suite des actions judiciaires intentées par les collectivités publiques à l'encontre des banques ayant commercialisé ce type de produits.

La solution : Déboutant intégralement le SIDRU de Saint-Germain-en-Laye de ses demandes à l'encontre de Depfa Bank plc, cet arrêt du 5 septembre 2018 de la Cour de cassation est riche d'enseignements sur la notion de risque accepté en matière de produits dérivés et sur la notion d'opération spéculative dans les services d'investissement.


Le SIDRU de Saint-Germain-en-Laye aura finalement perdu son procès. Ce syndicat de traitement des ordures ménagères de plusieurs communes de l'ouest francilien avait en effet assigné Depfa Bank plc en mai 2011 en n'hésitant pas à médiatiser son action contre les swaps dits "toxiques". La Cour de cassation vient pourtant mettre un terme définitif à cette action judiciaire en rejetant le pourvoi formé à l'encontre de la décision de la Cour d'appel de Paris du 4 novembre 2016.

Le 5 septembre 2018, la Cour de cassation a en effet rendu un arrêt qui fera date dans le contentieux des produits dérivés, en particulier, celui des swaps structurés et plus largement celui des services d'investissement.

Le SIDRU avait formé deux actions à l'encontre du swap commercialisé par Depfa en juin 2007 soit quelques mois avant le déclenchement de la crise financière : (i) une action en nullité du swap structuré considérant qu'il avait contracté par erreur une opération spéculative et qu'un dol avait été commis par la banque qui aurait dissimulé une vente d'options dans la formule de taux d'intérêt et (ii) une action en dommages-intérêts considérant que la banque avait manqué à son obligation d'information à l'égard de l'investisseur non averti que le SIDRU prétendait être.

Le SIDRU s'est vu débouté de toutes ses demandes et a été condamné à payer une somme de l'ordre de 20 millions comprenant tant le solde de résiliation du swap que les impayés des sommes dues à la banque. Sur le plan factuel, l'examen du dossier avait montré que le taux de la formule structurée du swap avait été topé téléphoniquement par le maire de Saint-Germainen-Laye lui-même. La communication des enregistrements téléphoniques rapportait en outre la preuve que le maire avait lui-même fixé le coefficient de risque qu'il considérait raisonnable de prendre pour le SIDRU.

Le SIDRU soutenait que l'opération conclue ne satisfaisait pas aux critères de l'opération de couverture définis par la réglementation comptable et avait communiqué plusieurs expertises non contradictoires à l'appui de ses allégations. La Cour de cassation a ainsi été conduite à 20/09/2018 distinguer pour la première fois l'opération spéculative de l'opération de couverture en consacrant le principe important selon lequel la couverture n'est pas exclusive du risqué.

La Cour considère en effet que "constitue une opération de couverture et non une opération spéculative la conclusion d'un contrat d'échange de conditions d'intérêts lorsqu'elle a pour but la protection contre l'évolution des taux et la réduction du coût global d'un endettement, même si un tel contrat est, par nature, aléatoire et que sa conclusion expose l'une des parties à un risque, même illimité."

Cet attendu novateur fait prévaloir la finalité (le "but") de l'opération conclue. Peu importe nous dit la Cour de cassation que l'opération soit aléatoire (ce qui caractérise le contrat de swap) et que ce risque soit en l'espèce illimité.

Dans un second attendu, la Cour admet que le swap litigieux ne constituait pas une promesse unilatérale de vendre ou d'acheter un actif à un prix et à une date déterminée mais une indexation structurelle mutuellement consentie reposant sur un écart entre deux parités de change. Constatant le caractère nécessairement aléatoire de l'évolution des deux devises de référence (le dollar et le franc suisse par rapport à l'euro), la Cour en a déduit que la réalité de la vente d'option d'achat à découvert, telle qu'alléguée par le SIDRU, n'était pas démontrée et que la banque n'avait commis aucun dol.

La Cour considère enfin que la banque a satisfait à son obligation d'information à l'égard du SIDRU. Ce dernier a été considéré sur la base des enregistrements téléphoniques THREE KEY TAKEAWAYScommuniqués comme étant un investisseur averti.

Jones Day représentait Depfa Bank plc dans cette affaire SIDRU de Saint-Germain-en-Laye.


Les trois points importants à retenir

  1. La conclusion d'un swap ayant pour but la protection contre l'évolution des taux et la réduction du coût global d'un endettement constitue une opération de couverture et non une opération speculative.
  2. Le caractère spéculatif d'une opération ne peut résulter de la seule exposition à un risque illimité.
  3. La production d'enregistrements téléphoniques peut être retenue comme mode de preuve, en l'espèce lorsqu'il s'agit de démontrer que l'interlocuteur de la banque est un investisseur averti.

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