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Newsletter | Actualité juridique du contentieux du droit des affaires | N°2

DIVERS

1. Objet de la déclaration d’appel : nouvelles précisions de la Cour de cassation

Saisie par trois demandes d’avis, la deuxième chambre civile de la Haute juridiction a levé quelques doutes à propos de la nature et du régime de la sanction attachée au non-respect des nouvelles dispositions du Code de procédure civile en matière d’objet de la déclaration d’appel (Civ. 2ème, 20 décembre 2017, n°17-70034, à paraître au Bulletin de la Cour de cassation ; Civ. 2ème, 20 décembre 2017, n°17-70035, à paraître au Bulletin de la Cour de cassation ; Civ. 2ème, 20 décembre 2017, n°70036, à paraître au Bulletin de la Cour de cassation).

Les avis du 20 décembre 2017 viennent apporter deux éclairages intéressants sur la nouvelle procédure d’appel :

- La sanction attachée à la déclaration d’appel formée à compter du 1er septembre 2017 et qui porte seulement comme objet « appel total » ou « appel général », sans viser expressément les chefs du jugement critiqués contrairement à ce que prévoit l’article 901, 4° du Code de procédure civile (sauf lorsque l’appel ne tend pas à l’annulation du jugement ou lorsque l’objet n’est pas indivisible), est une nullité pour vice de forme au sens de l’article 114 du Code de procédure civile ;

- Cette nullité peut être couverte par une nouvelle déclaration d’appel. Cette régularisation, toutefois, ne peut pas intervenir après l’expiration du délai imparti à l’appelant pour conclure conformément aux articles 910-4, alinéa 1er, et 954, alinéa 1er, du même code.


2. Droit des contrats : modification par l’Assemblée nationale du projet de loi de ratification de l’ordonnance du 10 février 2016

Le projet de loi de ratification de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, réformant le droit des contrats, le régime général des obligations et la preuve, a été récemment débattu en Assemblée nationale et sera soumis une nouvelle fois au Sénat le 1er février 2018. Adopté en première lecture par le Sénat à l’automne dernier, il a par la suite été discuté à l’Assemblée nationale le 11 décembre 2017.

Certaines dispositions, ayant été adoptées dans les mêmes termes par les sénateurs et les députés, ne devraient plus faire l’objet de modification lors de la prochaine séance du 1er février 2018. Parmi celles-ci figurent notamment : la définition du contrat de gré à gré (article 2, 1°), la réparation de la faute commise lors de la négociation du contrat (article 3), la fixation unilatérale du prix dans les contrats de prestation de services (article 7, 1°), l’exécution forcée en nature (article 9, 2°), la forme de la cession de dette et les conditions d’opposabilité d’une telle cession (article 11), l’opposabilité de la compensation par la caution ou le débiteur (article 14).

D’autres, au contraire, ont fait l’objet de modifications par les députés. Parmi celles-ci, figurent notamment les dispositions relatives au contrat d’adhésion qui font l’objet d’une nouvelle définition, puisque la notion de conditions générales est à nouveau introduite comment étant un élément du contrat d’adhésion et celles relatives au pouvoir accordé au juge de réviser le contrat en cas d’imprévision qui est rétabli, là où le Sénat avait limité le pouvoir judiciaire à la seule résolution du contrat.

Lien vers le projet tel qu’adopté par le Sénat : 
https://www.senat.fr/leg/tas17-005.html

Lien vers le projet tel qu’adopté par l’Assemblée nationale : 
http://www.assemblee-nationale.fr/15/ta/ta0046.asp

Lien vers le compte-rendu des débats à l’Assemblée nationale du 11 décembre 2017 : 
http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2017-2018/20180092.asp


3. Procédure civile : le point sur les propositions d’amélioration et de simplification

Le 15 janvier 2018, à l’occasion des vœux de la garde des Sceaux, les rapports relatifs aux cinq chantiers de la justice lancés par le Premier ministre Edouard Philippe en octobre 2017 ont été rendus publics. Comme l’a rappelé la garde des Sceaux, ces propositions, qui constituent « un socle solide et novateur » pour les prochains défis que le Gouvernement affrontera en matière de réforme judiciaire, serviront à dégager des pistes de travail pour la loi de programmation 2018-2022 qui sera présentée au printemps 2018 et pour les projets de loi de simplification de la procédure pénale et de la procédure civile.

Les rapports remis au Ministre de la Justice portent sur cinq thèmes différents :

- La transformation numérique ;
- L’adaptation du réseau des juridictions ;
- Le sens et l’efficacité de la peine ;
- L’amélioration et la simplification de la procédure pénale ;
- L’amélioration et la simplification de la procédure civile.

Ce dernier, qui a été réalisé sous la direction de Frédérique Agostini, Présidente du Tribunal de grande instance de Melun, et Nicolas Molfessis, Professeur de droit privé à l’Université Panthéon-Assas, propose de simplifier, moderniser et alléger la procédure civile en première instance. En partant du constat du retard que la première instance a pris par rapport au mouvement général de modernisation de la procédure civile, les référents de ce rapport entendent apporter des pistes de réflexion aux principaux maux dont souffre ce point d’entrée dans la justice (modes de saisines trop nombreux et peu lisibles, délais de procédure souvent imprévisibles, règles de compétences complexes etc.).

Pour ce faire, le rapport formule trente propositions destinées à agir sur chaque étape du parcours judiciaire, les principales étant :

Exploiter les ressources du numérique

- Concevoir la procédure civile comme une procédure dématérialisée ;
- Généraliser la communication électronique à l’ensemble des juridictions civiles ;
- Permettre aux parties de suivre l’avancement de leur affaire et de consulter les actes de la procédure ;
- Créer une juridiction nationale dématérialisée de l’injonction de payer, entièrement numérique ;

Créer une juridiction unique et recentrée en première instance : le tribunal judiciaire

- Créer une juridiction unique et recentrée en première instance : le tribunal judiciaire ;
- Porter à 5 000 euros le taux de ressort ;
- Simplifier le parcours d’indemnisation des victimes grâce à la procédure civile ;
- Renforcer le rôle de l’équipe autour du magistrat ;

Simplifier la saisine de la juridiction : pour un acte de saisine judiciaire unifié

- Créer l’acte unique de saisine judiciaire ;
- Instaurer dès la première instance un principe de concentration des moyens ;

Unifier les circuits procéduraux

- Décharger le greffe des tâches de convocation dans les procédures contentieuses ;
- Maintenir la procédure orale en dessous de 5 000 euros ;
- Permettre au juge de statuer sans audience dès lors que les parties en seront d’accord ;

Rationaliser l’instruction de l’affaire

- Limiter les incidents d’instance en mettant fin aux exceptions d’incompétence et en simplifiant la gestion des fins de non-recevoir et des exceptions de nullité ;
- Favoriser la mise en état conventionnelle et repenser la mise en état ;

Le recours aux modes alternatifs de règlement des différends : inciter plus qu’imposer

- Développer le recours aux MARD par de nouvelles mesures incitatives ;

Repenser les droits et les devoirs des acteurs du procès

- Etendre progressivement la représentation obligatoire par avocat ;
- Consacrer le principe de loyauté procédurale ;
- Clarifier l’office du juge quant à la détermination de la règle de droit applicable ;

Assurer la qualité et l’efficacité de la décision de justice

- Restaurer la collégialité ;
- Favoriser, par diverses mesures, l’harmonisation de la jurisprudence ;
- Généraliser l’exécution provisoire de droit de la décision.

4. Droit des sûretés : présentation d’un avant-projet de réforme préparé par l’Association Henri Capitant

Sur la demande du ministère de la justice, l’Association Henri Capitant a constitué une commission en vue d’élaborer un avant-projet de réforme du droit des sûretés. Présidée par Michel Grimaldi, la commission a rendu public, le 23 octobre 2017, le texte de l’avant-projet de réforme.

D'après les mots des membres de la commission, trois raisons majeures, lesquelles se rattachent toutes à l’exigence de sécurité juridique et au souci d’attractivité du droit français, expliquent la nécessité de réformer le droit des sûretés. En premier lieu, cet avant-projet répond au besoin de parachever la réforme de 2006 qui n’avait été que partielle en raison de sa loi d’habilitation qui avait exclu de son périmètre le cautionnement et les privilèges, sûretés qui, de ce fait, sont restées sous l’empire de textes remontant pour beaucoup d’entre eux à 1804. En deuxième lieu, l’avant-projet de l’Association Henri Capitant a pour but d’ajuster la réforme de 2006 afin d’éclairer certains points d’ombre et mettre un terme à des problèmes d’interprétation qui embarrassent les milieux économiques. En troisième et dernier lieu, une nouvelle réforme du droit des sûretés permettra d’assurer la cohérence entre la réforme de 2006 et les réformes ultérieures (consécration de la fiducie, réforme du gage des stocks, réforme du droit des contrats, etc.).

Pour ce faire, la commission a articulé le projet autour de dix points principaux :
1. Dispositions générales sur les sûretés ;
2. Réforme du cautionnement ;
3. Amélioration du régime du gage de meubles corporels ;
4. Amélioration du régime du nantissement de créance ;
5. Création de nouvelles sûretés mobilières ;
6. Suppression de sûretés mobilières spéciales tombées en désuétude ;
7. Amélioration du régime des sûretés-propriétés ;
8. Amélioration du régime de la publicité des sûretés mobilières ;
9. Amélioration du régime des sûretés réelles immobilières ;
10. Amélioration du régime des modes de réalisation des sûretés.

Lien vers le PDF de l’avant-projet : 
http://henricapitant.org/storage/app/media/pdfs/travaux/avant-projet-de-reforme-du-droit-des-suretes.pdf


PETIT FLORILEGE DE DECISIONS RECENTES

5. Arbitrage international : limites des pouvoirs du juge d’appui

Civ. 1ère, 13 décembre 2017, n°16-22131, à paraître au Bulletin de la Cour de cassation.
Par un contrat d’affermage stipulant également une clause compromissoire, l’Etat du Cameroun avait confié à la société Projet Pilote Garoubé l’exploitation d’une zone protégée. Un litige étant né entre les deux parties, l’exploitant saisissait, conformément à la clause compromissoire, la Chambre de commerce internationale (CCI). Or, faute de paiement d’un complément de provision, la CCI décidait, conformément à son règlement, que les demandes devaient être considérées comme retirées. En prétendant alors être victime d’un déni de justice, la société exploitante saisissait le président du Tribunal de grande instance de Paris en qualité de juge d’appui, lequel, par ordonnance, enjoignait à la Cour internationale d’arbitrage de la CCI de rétablir les demandes et au tribunal arbitral de reprendre son activité et de statuer sur les demandes. Cette ordonnance étant par la suite annulée au stade de l’appel, la société formait alors un pourvoi en cassation.

Adoptant une position rigide certes, mais en harmonie avec la lettre du Code de procédure civile, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi au motif, notamment, que si le président du Tribunal de grande instance de Paris est le juge d’appui lorsque, en matière d’arbitrage international, l’une des parties est exposée à un risque de déni de justice, l’article 1505 4° du Code de procédure civile n’investit pas pour autant ce juge d’une compétence générale pour trancher tous les litiges survenant au cours de la procédure d’arbitrage. Les limites des pouvoirs du juge d’appui sont claires : ce texte « a seulement désigné un juge étatique compétent afin de pouvoir, à titre supplétif, [sic] à la constitution d’un tribunal arbitral en cas de risque de déni de justice ». Son pouvoir se limitant donc à aider la constitution du tribunal arbitral, est approuvé l’arrêt d’appel annulant l’ordonnance du juge d’appui enjoignant à la Cour internationale d’arbitrage de la CCI de rétablir des demandes et au tribunal de statuer sur leurs prétentions.

6. Fonds commun de titrisation : irrecevabilité de l’action en recouvrement intentée par la société de gestion

Com. 13 décembre 2017, n°16-19681, à paraître au Bulletin de la Cour de cassation.
Dépourvu de la personnalité morale, le fonds commun de titrisation ne peut assurer sa propre gestion, laquelle doit donc être confiée à des tiers, les sociétés de gestion. Outre leurs fonctions de gestion, ces sociétés assurent également la représentation des fonds communs de titrisation : elles en sont le représentant légal à l'égard des tiers dans toute action en justice, tant en demande qu'en défense (Code monétaire et financier, art. L.249-49-7-I).

Pourtant, cette représentation n’est pas totale en particulier s’agissant de créances cédées. C’est en effet l’organisme cédant qui continue à assurer le recouvrement de celles-ci à l’encontre du débiteur, à moins que cette mission n’ait été confiée par le créancier à la société de gestion et que le débiteur cédé en ait été informé. C’est ce que rappelle précisément la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 13 décembre 2017.

Dans l’affaire que la Haute juridiction avait à juger, une banque avait cédé à un fonds commun de titrisation un certain nombre de créances parmi lesquelles figuraient celles relatives à un prêt immobilier que la banque cédante avait consenti, quelques années auparavant, à un particulier. Le débiteur cédé s’étant révélé défaillant, le fonds commun de titrisation, représenté par sa société de gestion, l’avait assigné en paiement. Déclarée irrecevable par la cour d’appel de Paris, la société de gestion formait alors un pourvoi en cassation.

La chambre commerciale rejette le pourvoi et confirme l’irrecevabilité de cette action : après avoir rappelé que le fonds commun de titrisation est à l’égard des tiers représenté dans toute action en justice par sa société de gestion, la Cour de cassation affirme en effet qu’ « il appartient à celui qui lui transfère des créances par bordereau, ou à l’entité qui en était chargée au moment du transfert, de continuer à assurer le recouvrement de ces créances et, pour ce faire, d’exercer les actions en justice nécessaires, la possibilité offerte aux parties de confier tout ou partie de ce recouvrement à une autre entité désignée à cet effet supposant que le débiteur soit informé de cette modification par lettre simple ».

7. Concurrence et mesures in futurum : compétence

Com. 17 janvier 2018, n°17-10360.
Par un arrêt rendu le 17 janvier 2018, la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue apporter une précision supplémentaire sur la compétence de la juridiction pouvant autoriser les mesures d’instruction in futurum dans un contexte de pratiques anti-concurrentielles et restrictives de concurrence.

On sait que la Cour de cassation admet que la partie qui demande une mesure sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile dispose du choix de saisir soit le président du tribunal appelé à connaître du litige soit celui du tribunal du lieu de l’exécution de la mesure d’instruction. Toutefois, cette liberté peut en réalité se trouver affectée, notamment lorsque le litige a trait à des pratiques anti-concurrentielles et/ou restrictives de concurrence.

Dans cette affaire, après avoir dénoncé son contrat de franchise, un franchisé, la société Sebso, se prévalant de pratiques anti-concurrentielles et restrictives de concurrence de la part du franchiseur, la société Casino, avait saisi par requête le président du Tribunal de commerce de Grenoble qui l’autorisait à pratiquer diverses mesures d’investigation au siège d’un des membres du réseau du franchiseur. La société Casino saisissait, sans succès, le président du Tribunal d’une demande de rétractation. Le franchiseur interjetait alors appel devant la Cour d’appel de Grenoble, laquelle infirmait les ordonnances rendues par le président du Tribunal de commerce de Grenoble au motif que « la société Sebso se prévalait dans sa requête de pratiques méconnaissant l’article L. 442-6,I, 2° du Code de commerce et [...] que le tribunal de commerce de Grenoble, dans le ressort duquel la mesure d’investigation devait être exécutée, n’avait pas le pouvoir juridictionnel de statuer sur un tel litige ».

Saisie par la société Sebso, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi et rappelé que « seules les juridictions du premier degré spécialement désignées par les articles D. 442-3 et R. 420-3 du Code de commerce sont investies du pouvoir de statuer sur les litiges relatifs à l’application de l’article L. 442-6 ou dans lesquels les dispositions de l’article L. 420-1 du même code sont invoquées » et que « si la partie qui demande une mesure sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile dispose du choix de saisir soit le président du tribunal appelé à connaître du litige soit celui du tribunal du lieu de l’exécution de la mesure d’instruction, le président saisi ne peut toutefois ordonner une telle mesure que dans les limites du pouvoir juridictionnel de ce tribunal ».

Ainsi, si en principe les demandes relatives à l’article 145 du Code de procédure civile peuvent être portées devant soit le juge du lieu de l’exécution soit le juge naturellement compétent pour trancher le litige, lorsque les mesures demandées s’inscrivent dans un contexte de pratiques sanctionnées par les articles L.442-6 et L.420-1 du Code de commerce, seul le juge ayant le pouvoir de trancher le fond de ces litiges en application des dispositions précitées, et donc conformément aux articles D. 442-3 et R. 420-3 du même code, peut être valablement saisi, et ce, peu important que la requête ait pu invoquer, en outre, un fondement de droit commun.

8. Secret bancaire et mesures in futurum

Com. 29 novembre 2017, n°16-22060, à paraître au Bulletin de la Cour de cassation.
Pouvant être ordonnées sur requête ou en référé, les mesures d’instruction in futurum de l’article 145 du Code de procédure civile tendent à la production ou à la conservation d’une preuve susceptible d’être versée dans le cadre d’un futur procès.

Cependant, le droit à la preuve que l’article 145 garantit entre parfois en conflit avec d’autres intérêts protégés. Tel peut être notamment le cas lorsque les mesures de l’article 145 du Code de procédure civile se heurtent au secret professionnel et en particulier le secret des affaires (bien que le juge puisse toujours y déroger en constatant le motif légitime dont procèdent les mesures ordonnées). Le secret bancaire, quant à lui, constitue souvent aux yeux des juges une limite à leur faculté d’ordonner la production de tout document utile à la manifestation de la vérité.

Par son arrêt du 29 novembre 2017, la Cour de cassation a rappelé les limites dans lesquelles le secret bancaire peut être utilement invoqué pour faire échec à des mesures d’instruction in futurum. En effet, en reprenant une formule déjà employée dans un précédent arrêt (Com. 19 juin 1990, n°88-19618, Bull., n°179), la Haute juridiction a affirmé que « le secret bancaire […] ne constitue pas un empêchement légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile lorsque la demande de communication de documents est dirigée contre l'établissement de crédit non en sa qualité de tiers confident mais en celle de partie au procès intenté contre lui en vue de rechercher son éventuelle responsabilité dans la réalisation de l'opération contestée ».

Ce faisant, la Cour de cassation confirme la limite au secret bancaire en vertu de laquelle l’établissement de crédit ne peut l’invoquer au bénéfice de sa propre défense.

9. Immunité d’exécution : la nouvelle portée de la loi du 9 décembre 2016

Civ. 1ère, 10 janvier 2018, n°16-22494, à paraître au Bulletin de la Cour de cassation.
Par lettre d’engagement signée le 3 mars 1993 par son ministre des finances et du budget, l’Etat de la République du Congo renonçait définitivement et irrévocablement à toute immunité de juridiction auprès de la société Commisimpex, laquelle, par la suite, faisait pratiquer, entre les mains d’une banque, une saisie-attribution de comptes ouverts au nom de la mission diplomatique à Paris de la République du Congo ainsi que de sa délégation auprès de l’UNESCO.

Saisie sur renvoi après cassation, la cour d’appel de Paris déclarait, par arrêt du 30 juin 2016, que les saisies pratiquées par la société Commisimpex étaient régulières, dès lors que le droit international coutumier n’exige pas une renonciation autre qu’expresse à l’immunité d’exécution, ce que faisait précisément la lettre du 3 mars 1993 signée par le ministre congolais. Ce faisant, la cour de Paris se conformait à la position de l’arrêt de la Cour de cassation qui l’avait saisie.

Cependant, comme le souligne la première chambre civile au terme d’un raisonnement exposé de manière particulièrement claire, la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 (loi Sapin II) a entre-temps introduit dans le Code des procédures civiles d’exécution de nouvelles dispositions qui, notamment, subordonnent la validité de la renonciation par un Etat étranger à son immunité d’exécution à la double condition que cette renonciation soit expresse et spéciale.

Comme le rappelle la Haute juridiction, ces dispositions n’étaient certes pas applicables au litige qu’elle devait trancher (puisque postérieures). Cependant, pour la Cour de cassation, « compte tenu de l’impérieuse nécessité, dans un domaine touchant à la souveraineté des Etats et à la préservation de leurs représentations diplomatiques, de traiter de manière identique des situations similaires, l’objectif de cohérence et de sécurité juridique impose de revenir à la jurisprudence confortée par la loi nouvelle. D’où il suit que l’annulation est encourue ».

Ainsi, par cet arrêt particulièrement surprenant, la Cour de cassation justifie le retour à sa jurisprudence antérieure en se fondant sur une loi inapplicable au moment du litige (Civ. 1ère, 28 septembre 2011, pourvoi n° 09-72.057, Bull. 2011, I, n° 153 ; Civ. 1ère, 28 mars 2013, pourvois n° 10-25.93 et n° 11-10.450, Bull. 2013, I, n° 62 et 63).

10. Rupture de relations commerciales établies : la crise économique, cause exonératoire de responsabilité

Com. 8 novembre 2017, n°16-15285, à paraître au Bulletin de la Cour de cassation.
A partir de l’année 2000, la société Dorsey, opérant dans le marché de la vente de chemises, avait confié à la société Esquiss (société bangladaise) la production de ses chemises. Les sociétés s’accordaient sur un règlement des commissions calculé en fonction du volume des commandes. A partir de l’année 2008, la société Dorsey a commencé à diminuer le volume de ses commandes en raison de la situation conjoncturelle mauvaise. Assignée en responsabilité pour rupture brutale d’une relation commerciale établie, la société Dorsey a obtenu gain de cause en appel et en cassation.

Après avoir constaté que la société Dorsey n'avait pris aucun engagement de volume envers son partenaire, la cour d'appel avait relevé que la baisse de commande était due à la situation conjoncturelle affectant le marché du textile. La cour avait également constaté que, dans le même temps, la société Dorsey avait proposé une aide financière à son cocontractant pour qu’il puisse faire face à la baisse de ses commissions, ce qui démontrait sa volonté de poursuivre leur relation commerciale. En conséquence de quoi, la baisse des commandes de la société Dorsey, inhérente à un marché en crise, n'engageait pas sa responsabilité.

La chambre commerciale écarte donc l’application de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce à la rupture de relations commerciales au regard des circonstances économiques de nature à justifier l’altération de la relation commerciale.


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