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La réforme du droit des contrats amendée par le Sénat

La réforme du droit des contrats amendée par le Sénat

En Bref

La situation actuelle: Le 17 octobre 2017, le Sénat a voté en première lecture le Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. L'adoption du Projet de loi par le Sénat s'est accompagnée de 14 amendements.

Perspectives: Le Projet de loi a été déposé le 18 octobre 2017 à l'Assemblée nationale afin qu'elle statue à son tour en première lecture. Il est actuellement renvoyé à l'examen de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.


Le contexte

Bien qu'entrée en vigueur depuis déjà le 1er octobre 2016, l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations n'a vraisemblablement pas encore fini de faire parler d'elle.

Alors que sa ratification apparaissait comme un simple exercice de forme, le rapport exhaustif présenté par la commission des lois du Sénat et le vote par ce dernier de 14 amendements le 17 octobre 2017 démontrent que la réalité est plus complexe.

Une telle intervention n'est en réalité guère surprenante au vu des critiques qui avaient été formées à l'époque à l'encontre du Gouvernement quant à son choix de procéder à la réforme du droit des contrats par voie d'ordonnance. Soucieux toutefois de ne pas perturber la sécurité juridique du régime en vigueur depuis le 1er octobre 2016, le Sénat a tenu à limiter son action, celle-ci s'opérant soit au moyen de l'expression dans le rapport de règles d'interprétation générale destinées à clarifier « l'intention du législateur », soit en corrigeant directement le texte par l'adoption d'amendements dont seuls les principaux seront ci-après évoqués.

Les amendements significatifs

Article 1195—Révision en cas d'imprévision

Ce texte constitue "la" grande nouveauté en ce qu'il consacre la théorie de l'imprévision, permettant à la partie affectée par un changement de circonstances « imprévisible lors de la conclusion du contrat », rendant son « exécution excessivement onéreuse », et dont elle « n'avait pas accepté d'en assumer le risque » de solliciter du juge, en cas d'échec de la renégociation de son contrat, la révision du contenu obligationnel.

Désireux de rassurer tous ceux qui voyaient d'un mauvais œil l'ingérence du juge dans le contrat, le Sénat a supprimé toute possibilité de révision judiciaire. Seule une possible « adaptation » judiciaire du contrat resterait envisageable avec l'accord de toutes les parties. La mise en œuvre d'une telle faculté demeure toutefois improbable tant il est difficile d'imaginer que les parties qui auront échoué ou refusé de renégocier parviennent à s'accorder pour demander au juge d'adapter leur contrat.

Si l'Assemblée nationale entérine cet amendement, c'en sera donc fini de l'imprévision dont l'apparition dans notre Code civil aura été pour le moins éphémère.

Articles 1110 et 1171—Contrat d'adhésion et clauses abusives

L'insertion d'une définition du contrat d'adhésion dans le Code civil et l'extension au droit commun du contrôle des clauses abusives constituent deux autres grandes nouveautés proposées par l'ordonnance. Celles-ci ont été remaniées par le Sénat qui propose une nouvelle définition du contrat d'adhésion comme étant celui qui « comporte des clauses non négociables, unilatéralement déterminées à l'avance par l'une des parties ».

Cette définition est à la fois plus large et plus claire que celle proposée par l'ordonnance qui limitait la possibilité d'un contrat d'adhésion aux contrats comportant des conditions générales.

Cette nouvelle définition a également été reprise dans la disposition consacrée aux clauses abusives. Il est permis toutefois de s'interroger sur la nécessité d'une telle précision dès lors que l'article 1171 limitait déjà (et limite toujours) expressément la recherche des clauses abusives aux contrats d'adhésion.

Article 1123—Régime des actions interrogatoires

Le Sénat a également choisi d'encadrer le régime des actions interrogatoires. Ainsi, dans la mise en œuvre des pactes de préférence, le bénéficiaire du pacte qui serait interrogé par le tiers, potentiel cessionnaire, sur l'existence du pacte et sur ses intentions, devra répondre dans un délai de deux mois, et non plus dans un délai « raisonnable » laissé à la discrétion du tiers.

Ce même délai devrait également s'appliquer aux actions interrogatoires en matière de représentation conventionnelle (art. 1158).

Article 1137—Réticence dolosive

La réticence dolosive a également été circonscrite puisqu'elle ne sera plus constituée que lorsque l'information qui aura été intentionnellement cachée devait être fournie « à l'autre partie conformément à la loi », la notion plus vague d'une information « présentant un caractère déterminant pour l'autre partie » ayant été abandonnée.

Article 1143—Violence économique

Le vice de violence économique a été pleinement codifié à l'article 1143 puisque l'état de dépendance dont souffre une des parties doit nécessairement être de nature économique, le caractère psychique ou sentimental de la dépendance étant désormais exclu contrairement au texte initial qui laissait subsister un doute.

Article 9 de l'ordonnance—Dispositions transitoires

Enfin, prenant le contrepied de la Cour de cassation, le Sénat a renforcé le principe de survie de la loi ancienne pour les contrats conclus antérieurement au 1er octobre 2016, précisant que celle-ci s'applique « y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d'ordre public ».

Ce projet de loi devant encore passer devant l'Assemblée nationale, il n'est pas certain que l'intégralité de ces amendements soient finalement retenus.

La suite prochainement…


Les trois points importants à retenir

  1. L'architecture globale de la réforme du droit des contrats en vigueur depuis le 1er octobre 2016 est consacrée par le Sénat.
  2. Les amendements votés doivent être salués en ce qu'ils clarifient des points qui demeuraient ambigus dans l'ordonnance.
  3. Le sort de la théorie de l'imprévision dans le Code civil demeure à ce jour incertain.

Contacts

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