Une avancée de plus dans l’adoption de la réforme de la responsabilité civile
En Bref
La situation actuelle : L’avant-projet de réforme de la responsabilité civile qui a été rendu public le 29 avril 2016, a fait l’objet d’une consultation publique. Cette dernière a abouti au projet publié le 13 mars 2017 par l’ancien garde des Sceaux.
Les évolutions : Cette réforme se fonde essentiellement sur une consolidation des acquis jurisprudentiels, la consécration de certains principes et une restructuration du Code civil avec une clarification de certaines règles.
Ce projet de réforme garde un esprit conforme à celui de l’avant-projet puisqu’il s’inscrit dans la tradition juridique française en conservant de nombreux principes essentiels tels que la summa divisio de la responsabilité civile entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité extracontractuelle. Le droit de la responsabilité civile s’est élargi avec l’élaboration de nouvelles règles jurisprudentielles par la Cour de cassation. Il était donc souhaitable de faire évoluer un certain nombres de règles, c’est pourquoi ce projet de réforme reflète le besoin de modernisation du droit de la responsabilité civile pour s’adapter à l’évolution de la société civile tout en demeurant fidèle aux grands préceptes moraux de notre société.
Une réforme nécessaire
Cette nouvelle étape va permettre de faire un pas de plus afin de parachever la réforme entreprise avec l’ordonnance du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016 concernant le droit des contrats et le régime général et la preuve des obligations. Le but est de rendre accessible, moderniser et enrichir le droit de la responsabilité civile afin d’offrir une plus grande sécurité juridique aux justiciables et de mieux prévoir les conséquences de leurs comportements.
La question essentielle serait alors de savoir si la consultation publique a été productive ou si d’autres changements sont à prévoir. Selon les dires du ministère de la justice et notamment de l’ancien garde des Sceaux, Monsieur Jean-Jacques Urvoas, la consultation a été « fructueuse » et a permis une amélioration de la qualité technique de la réforme projetée sur deux points par rapport à l’avant-projet.
Le renforcement de la fonction indemnitaire
Le projet de réforme met en évidence la volonté de conserver la fonction préventive du droit de la responsabilité civile par l’apport de certaines clarifications, notamment sur le dommage corporel. En effet, l’article 1233-1 du projet de réforme est entièrement consacré à ce dernier qui résulte d’une volonté de le traiter comme un dommage indépendant pour établir une législation protectionniste envers les victimes de ce dommage.
Afin d’offrir une protection suffisante, des garde-fous ont été mises en place à l’égard des clauses limitatives de responsabilité et de l’obligation de minimiser son dommage désormais consacré par le projet de réforme à l’article 1263.
Cette clarification va permettre une certaine prévisibilité juridique en la matière puisqu’elle se fonde sur la jurisprudence ; le but étant d’éviter des changements majeurs dans la jurisprudence à venir, qui pourraient conduire à une nouvelle réforme.
La mise en exergue de la fonction indemnitaire est également entreprise par la consécration de la cessation de l’illicite : il faut agir à la source du dommage. L’article 1266 du projet de réforme la définit par la possibilité donnée au juge d’ordonner des mesures de nature à faire cesser le trouble illicite en matière extracontractuelle seulement.
De même, d’autres modifications ont été consacrées telles que :
- la possibilité d’agir sur le terrain de la responsabilité contractuelle pour les tiers victimes d’une inexécution contractuelle ;
- la condamnation solidaire des présumés responsables d’un dommage par la présomption de causalité pesant sur chacun d’eux ;
- l’incidence de la faute du conducteur victime sur la réparation de son dommage corporel avec l’extension de la loi Badinter aux tramways et chemins de fer et la consécration de la nomenclature Dintilhac ;
- l’élargissement de l’exception de l’article 1245-11 du Code civil « Le producteur ne peut invoquer la cause d'exonération prévue au 4° de l'article 1245-10 lorsque le dommage a été causé par un élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci » aux produits de santé à usage humain.
Néanmoins, l’innovation majeure de cette réforme réside dans l’introduction d’une amende civile pour lutter contre les fautes lucratives définies comme ayant pour objet l’obtention d’un gain ou d’une économie (article 1266-1 du projet de réforme), celle-ci ayant été privilégiée aux dépends des dommages-intérêts punitifs utilisés en Common Law, notamment aux Etats-Unis. La nouveauté apportée par le projet de réforme – par rapport à l’avant-projet – tient à son domaine restreint à la matière extracontractuelle. Cependant, l’avenir de cet article reste incertain puisqu’une sanction est possible par le Conseil Constitutionnel liée à la définition vague donnée à la faute lucrative.
L’enrichissement de la fonction normative
Afin de permettre une certaine cohérence, des modifications ont été effectuées sur la forme par rapport à l’avant-projet, certains textes ont été déplacés à l’exemple de celui sur la cessation de l’illicite ou des clauses portant sur la responsabilité. Par ailleurs, les contributions reçues par la consultation publique ont conduites à une amélioration de la rédaction de nombreux textes. Ces changements aboutissent à une harmonisation du projet de réforme de la responsabilité avec les nouveaux textes du Code civil consacrés par l’ordonnance de 2016 portant réforme sur le droit des contrats.
La consultation publique a également laissé place à des modifications sur le fond par rapport à l’avant-projet, telles que des suppressions comme la référence à l’intérêt collectif dans la définition du préjudice réparable et la correction du principe de la réparation intégrale.
Les diverses critiques
La publication du projet de réforme a suscité de nombreuses critiques allant même jusqu’à remettre en cause le réel rôle de la consultation publique. Parmi celles-ci, on retiendra le reproche fait au projet de réforme d’avoir entrepris la suppression de la distinction entre obligations de moyens et de résultat néanmoins nécessaire en matière probatoire.
Quel avenir pour le projet de réforme ?
L’ancien garde des Sceaux a annoncé que ce projet de réforme étant une œuvre collective, il devrait être repris par le prochain gouvernement et aboutir à un projet de loi malgré la récente élection présidentielle. Néanmoins, des précisions devront être apportées par le législateur qui devra trancher sur divers points concernant ce nouveau droit de la responsabilité civile.
Les quatre points importants à retenir
- Avancée dans la réforme de la responsabilité par le passage de l’avant-projet au projet de réforme.
- Rappel des fonctions indemnitaire et préventive du droit de la responsabilité civile.
- Diverses modifications entreprises fondées sur les travaux recueillis après la consultation publique.
- Possible projet de loi à venir mais probablement soumis à divers changements.
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