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Emprunts structurés : La Cour de cassation donne raison aux banques

En Bref

Le contexte : Cette décision Saint-Leu-la-Forêt du 28 mars 2018 est la première rendue par la Cour de cassation en matière d'emprunts structurés à la suite des actions judiciaires intentées par les collectivités publiques à l'encontre des banques ayant commercialisé ce type de crédits.

Le résultat : Déboutant intégralement la commune de Saint-Leu-la-Forêt de ses demandes à l'encontre de Dexia Crédit Local et de la Caisse Française de Financement Local (CAFFIL), ses apports sont nombreux s'agissant des règles de responsabilité du banquier dispensateur de crédit.


Cette décision de la Cour de cassation du 28 mars 2018 était très attendue car il s'agit du premier arrêt rendu par la Cour de cassation en matière d'emprunts structurés commercialisés par Dexia Crédit Local, dont la gestion a été reprise en 2013 par SFIL. Jones Day a représenté Dexia et SFIL dans la majorité de ces contentieux (dont cette affaire Saint-Leu-la-Forêt).

Ces actions judiciaires initiées en 2011 par l'ancien Président du Conseil général de Seine-Saint-Denis avaient fait tache d'huile en déclenchant une quasi-action de groupe à l'encontre des banques ayant commercialisé ces crédits structurés.

Plus connus du grand public sous le nom d'"emprunts toxiques", ces prêts comportaient des indexations dites structurées reposant notamment sur des parités de devises (telle la parité euro/franc suisse) ou des écarts de parités de devises. A la suite de la crise financière puis de la crise des dettes souveraines, les taux payés par les collectivités publiques avaient parfois augmenté significativement.

La Cour de cassation vient probablement de mettre un terme définitif à ces actions judiciaires en rejetant le pourvoi de la Commune de Saint-Leu-la-Forêt à l'encontre de l'une des quatre décisions de la Cour d'appel de Versailles rendues en chambres réunies le 21 septembre 2016. Plusieurs années après les premiers rapports de la Cour des comptes très hostiles à ces emprunts et à leurs indexations, la Haute-juridiction n'a donc pas donné raison à la collectivité qui se voit ici déboutée de l'intégralité de ses demandes.

L'arrêt du 28 mars 2018 apporte plusieurs enseignements destinés à faire jurisprudence et précise certains aspects de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit. La Cour de cassation a approuvé la Cour d'appel de Versailles :

  • sur l'option : d'avoir exclu que le contrat de prêt enferme ou incorpore un contrat d'option. Ce point très débattu était tout à fait crucial. La Cour a fait ici prévaloir le sens attribué par le Code civil à l'option en partant de la formule d'indexation et en opposant (i) la condition suspensive qui s'exécute sans nouvelle manifestation de volonté à (ii) l'option laquelle nécessite un choix du bénéficiaire et partant une nouvelle manifestation de volonté. Autrement dit, la formule d'indexation du prêt a été jugée simplement conditionnelle sans enfermer de contrat d'option.
  • sur le caractère spéculatif : d'avoir relevé que si les prêts litigieux comportent un aléa, ils ne constituent pas pour autant une décision spéculative car en les souscrivant "la commune n'a pas cherché à s'enrichir mais seulement à refinancer des investissements réalisés dans l'intérêt général à des conditions de taux les plus avantageuses possibles". La Cour précise en outre que "le caractère spéculatif d'une opération ne peut résulter de la seule exposition de la collectivité territoriale à des risques illimités" ce qui est loin de constituer un détail ;
  • sur la qualité d'emprunteur averti de la collectivité : d'avoir correctement motivé sa décision en retenant que la commune était un "emprunteur averti" et en déduisant corrélativement que Dexia n'était tenu à aucune obligation de mise en garde. Dès lors que la commune est un emprunteur averti, la Cour a jugé que les moyens de la collectivité fondés sur le régime des prestataires de services d'investissement (PSI) étaient "sans portée" ;
  • sur la Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) : d'avoir jugé qu'une commune ne peut invoquer utilement la CEDH devant les juridictions nationales (ou les dispositions de son premier protocole additionnel).

La Cour de cassation devra prochainement se prononcer dans les trois autres affaires jugées par la Cour d'appel de Versailles le 21 septembre 2016 (Carrières-sur-Seine ; Saint-Dié-des-Vosges et Saint-Cast-le-Guildo) et dans lesquelles les demanderesses se sont pourvues également en cassation.


Les trois points importants à retenir

  1. La formule d'indexation structurée du prêt litigieux ne comporte aucun contrat d'option.
  2. Si les prêts litigieux comportent un aléa, ils ne constituent pas pour autant une opération spéculative. Le caractère spéculatif ne peut résulter de la seule exposition à des risques illimités.
  3. La collectivité locale en question est un emprunteur averti et la banque n'était tenue à aucun devoir de mise en garde.

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