Alerte ! Le Conseil constitutionnel déclare inconstitutionnel le cumul des sanctions administrative et pénale en matière d'abus de marché
Par une décision de ce jour, résultant de deux questions prioritaires de constitutionnalité transmises par la Cour de cassation à la suite de deux arrêts de sa chambre criminelle des 17 décembre 2014 et 28 janvier 2015, le Conseil constitutionnel a décidé notamment que les articles L. 465-1 (et la dernière phrase de l'article L. 466-1) et L. 621-15 II c) et d) du Code monétaire et financier sont contraires à la Constitution.
Cette décision, qui ne peut faire l'objet d'aucun recours, clôt le débat relatif à la compatibilité des jurisprudences traditionnelles de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat avec la décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 4 mars 2014 "Grande Stevens" en faveur de cette dernière décision. La juridiction européenne avait proscrit la faculté pour un Etat signataire de la Convention européenne des droits de l'homme de poursuivre une personne dans le cadre de deux procédures à caractère pénal sur la base des mêmes faits, même si ces derniers reçoivent une qualification différente selon ces deux procédures.
Pour aboutir à cette conclusion, le Conseil constitutionnel a relevé que (i) la caractérisation du manquement d'initié reposait sur les mêmes faits que le délit d'initié, (ii) la répression, visant dans les deux cas toute personne, protégeait les mêmes intérêts sociaux, (iii) les sanctions pénale et administrative, en particulier les sanctions pécuniaires et les amendes, n'étaient pas de nature différente et (iv) les décisions rendues par le tribunal correctionnel ou la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers à l'égard d'une personne non supervisée professionnellement (c'est-à-dire une personne non visée à l'article L. 621-9 II du Code monétaire et financier), relevaient toutes les deux de l'ordre judiciaire.
Fort de ces constatations, le Conseil constitutionnel en a conclu que les sanctions administrative et pénale n'étaient pas de nature différente en application de corps de règles distincts devant leur propre ordre de juridiction, de sorte que les articles L. 465-1 et L. 621-15 II c) et d) sont inconstitutionnels. Il faut d'ailleurs comprendre que c'est la combinaison de ces textes, entrainant un cumul de sanctions, qui est inconstitutionnelle, et non chaque texte pris indépendamment de l'autre (sous réserve des renvois réalisés par les articles L. 621-15-1 et L. 621-16 à l'article L. 465-1).
Le Conseil constitutionnel a enfin précisé les effets dans le temps de sa décision, après avoir relevé qu'il ne lui appartenait pas de suggérer les modalités de rectification de l'inconstitutionnalité constatée : (a) seules les procédures ouvertes après le 1er septembre 2016 sur le fondement de l'un ou l'autre des articles en cause (réputé abrogé à partir de cette date à la suite de la décision du Conseil constitutionnel) seraient considérées comme nulles, les procédures déjà ouvertes étant toujours valablement fondées sur les articles dont les effets de l'inconstitutionnalité sont ainsi reportés et (b) il ne peut être maintenu ou engagé une procédure pénale ou administrative à l'encontre d'une personne non supervisée professionnellement qui serait par ailleurs mise en cause préalablement dans le cadre respectivement d'une procédure administrative ou pénale.
Si cette décision appellera de très nombreux commentaires, on relèvera à ce stade une incertitude. En effet, la motivation de la décision tient compte de la personne mise en cause devant la Commission des sanctions (à savoir une personne non supervisée professionnellement) pour assimiler la nature des deux procédures. Ce critère personnel n'est cependant pas repris dans le dispositif de la décision qui vise seulement l'article L. 621-15 II c) et d), sans exclure du champ de l'inconstitutionnalité son application aux personnes surpervisées professionnellement. Il s'agira sans doute d'une précision qui devra être apportée ultérieurement.
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