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Quelques enseignements en matière de sanctions de la part de la FCA (final notice du 23 septembre 2014)

Le 23 septembre dernier, l'Enforcement and Financial Crime Division de la Financial Conduct Authority (FCA) a rendu une décision à l'encontre d'un établissement anglais dans le cadre de ses activités de conservation de titres financiers. Pour un juriste de droit français, cette décision procure un certain nombre d'enseignements à la fois sur la teneur des obligations en matière de protection des avoirs des clients vue par les autorités anglaises, dans un domaine non harmonisé au niveau européen, et sur la méthodologie suivie pour aboutir à la détermination d'une sanction pécuniaire.

Quelques règles en matière de protection des avoirs des clients

Les manquements relevés par la FCA ont essentiellement porté sur les conditions de protection des avoirs des clients et sur les procédures de contrôle encadrant cette activité.

Conditions de protection des avoirs des clients

L' approche de la FCA a consisté à s'assurer qu'en cas de défaillance de l'établissement conservateur les actifs des clients pourraient être non seulement récupérés mais dans les délais les plus brefs). Le souci de la brieveté pour récupérer les avoirs des clients semble plus marqué que ce que la régulation française prévoit. La FCA a caractérisé les défaillances de l'établissement conservateur qui tendraient, selon elle, à affecter cette récupération. Ont été notamment relevées :

 

  • l'absence d'identification ou de mention selon laquelle les actifs inscrits dans des comptes ouverts auprès de conservateurs locaux n'appartenaient pas à l'établissement conservateur mais à ses clients, ce qui pouvait soulever des discussions quant à la reconnaissance de l'absence de droit du conservateur sur ces titres bien que ce dernier soit le titulaire du compte ;
  • l'absence de documentation couvrant précisément tous les comptes ouverts auprès des conservateurs locaux ;
  • l'absence de ségrégation entre les avoirs des sociétés du groupe et ceux des clients du groupe. La FCA a souligné que du point de vue du conservateur il s'agissait d'avoirs de tiers, qui n'avaient donc pas à être ségrégués les uns des autres. Cependant, l'existence d'une procédure interne imposant une telle ségrégation, qui n'avait donc pas été respectée, aurait pu induire une confusion sur la nature exacte des droits des clients sur les actifs inscrits dans ces comptes ;
  • l'existence de clauses dans les contrats conclus avec les conservateurs locaux procurant une sûreté sur les actifs appartenant aux clients pour une créance qu'aurait ce conservateur local à l'encontre de l'établissement conservateur. A ce titre, la FCA relève justement qu'un risque existait que le conservateur local puisse s'approprier les titres au détriment des clients de l'établissement conservateur.

Systèmes et procédures de contrôle

La FCA a également relevé des manquements à l'encontre de l'établissement conservateur du chef des systèmes et procédures qui n'auraient pas remplis convenablement leurs offices. Ainsi il a été relevé que :

 

  • les manquements ont été observés sur une période de quatre ans sans qu'un contrôle n'ait détecté ceux-ci ;
  • il n'existait pas de procédure décrivant les modalités de contrôle des conservateurs locaux et lorsque ces procédures ont été mises en place, elles n'ont pas été appliquées aux comptes ouverts antérieurement ;
  • il n'y avait pas de contrôle sur la cohérence des informations liées à l'ouverture des compte avec les informations enregistrées dans les systèmes de l'établissement conservateur (en particulier quant à la titularité des comptes ainsi ouverts).

Quelques critères propres à établir le montant de la sanction pécuniaire

Contrairement à la pratique actuelle de la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF), la FCA, et en particulier son Enforcement and Financial Crime Division, procède à la détermination de la sanction pécuniaire d'une manière détaillée, déterminant une assiette initiale pour ensuite la réduire ou l'augmenter en fonction de circonstances aggravantes ou atténuantes. En l'espèce, le montant de l'amende a été fixée au total à 37.745.000 £ par application de la méthode suivante :

1° A défaut d'enrichissement constaté au bénéfice de l'établissement conservateur, aucune somme à titre de sanction n'a été appliquée de ce chef.

2° Pour les manquements relatifs à la conservation d'actif, la FCA a appliqué un barème allant de 0% à 0,8% des actifs concernés par les manquements, suivant le caractère plus ou moins sérieux des manquements (en tenant compte notamment de la durée, l'impact plus ou moins direct sur les chances pour les clients de récupérer leurs avoirs, etc…). En l'espèce, le niveau intermédiaire a été retenu (soit 0,4%) et a été appliqué à un montant d'avoirs de 16.526.457.764 £ (on notera la précision !), montant ajusté sur la période pendant laquelle les manquements ont été constatés. Le montant de la sanction a été ainsi fixé, à ce stade du processus de détermination, à 29.812.434 £.

3° Au titre des circonstances aggravantes, la FCA a retenu que cet établissement ainsi que des sociétés du même groupe ont été sanctionnés plusieurs fois au cours des dernières années (notamment en rapport avec la protection des avoirs des clients). Il a été également tenu compte des sanctions prononcées contre d'autres établissements (en dehors du groupe) en matière de protection des avoirs, ce qui aurait dû attirer l'attention de l'établissement. Au titre des circonstances atténuantes, la FCA a indiqué que l'établissement a relevé ses manquements de son propre chef et les a portés à la connaissance de la FCA, tout en mettant des moyens importants (notamment par le recours à des conseils tiers) pour remédier à ces dysfonctionnements. La prise en compte de tous ces éléments a abouti finalement à une majoration de la sanction de 20%, soit 35.774.920 £.

4° A raison de la conclusion d'un accord de composition administrative (pour prendre la terminologie applicable aux décisions rendues par l'AMF), une réduction de 30% a été appliquée, aboutissant au final à une sanction financière de 25.042.400 £.

On relèvera enfin que les manquements ayant été réalisés avant l'entrée en vigueur de ce nouveau régime de fixation des sanctions financières (mars 2010), une sanction complémentaire a été prononcée selon les anciennes règles de fixation pour un montant de 12.702.600 £ après l'application d'une réduction de 30% (à raison de la mise en œuvre d'un accord de composition administrative). L'établissement conservateur a été ainsi condamné à verser la somme totale de 37.745.000 £, au lieu de 53.921.619 £ si aucun accord de composition administrative n'avait été conclu, ce que relève la FCA à des fins manifestement dissuasives. Cette somme doit être réglée dans les 14 jours suivant la notification de la décision.

On peut commenter voire contester cette approche « clinique » dans la fixation de la sanction financière, qui n'échappe cependant pas à une part de subjectivité (quant à la gravité des manquements déclenchant l'application d'un pourcentage de la valeur des actifs conservés, ou quant à la quantification financière des éléments aggravants ou atténuants). Cette approche a cependant le mérite d'une plus grande objectivité dans la détermination du quantum des sanctions que celle aujourd'hui mise en œuvre par la Commission des sanctions de l'AMF. Un esprit français s'étonnera sans doute de l'importance du montant de la sanction, malgré l'absence de tout préjudice à la charge des clients, et la spontanéité de la notification des manquements par l'établissement conservateur à son autorité de supervision. Mais il est à craindre que ces standards de sanction soient de plus en plus fréquemment appliqués par les autorités européennes compétentes.

Contact

Philippe Goutay
Paris
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