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La société Vinci sanctionnée pour manquement à son obligation de s’abstenir d’intervenir sur ses propres titres

Le 22 janvier 2009, la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (l'« AMF ») a prononcé une sanction pécuniaire d'un montant de 800 000 euros à l'encontre de la société Vinci (la « Société ») pour être intervenue sur ses propres titres alors qu'elle était en possession d'une information privilégiée relative au fait que son chiffre d'affaires réalisé au titre de l'exercice 2004 était supérieur aux attentes du marché.

En effet, dans le cadre de son programme de rachat d'actions, la Société a acheté, entre le 20 janvier et le 3 février 2005, 567 014 actions pour un montant total de 61 178 799 euros. Le 3 février 2005, après la clôture de la bourse, la Société publiait un chiffre d'affaires consolidé annuel de 19,56 milliards d'euros, supérieur aux prévisions publiées par la Société et aux estimations des analystes. Le 4 février 2005, le cours du titre la Société progressait de 3,16 % par rapport au cours de clôture de la veille.

Le secrétaire général de l'AMF a ouvert, le 19 septembre 2006, une enquête sur l'information financière de la Société à compter du 31 décembre 2003. Cette enquête a été étendue le 2 août 2007 au marché du titre à compter du 31 décembre 2003.

Cette décision est particulièrement innovante puisque la Commission des sanctions a estimé, pour la première fois, que le chiffre d'affaires d'un émetteur constitue une information susceptible d'avoir une « influence sensible sur le cours du titre » dudit émetteur.

Plusieurs points intéressants sont à relever à la lumière de cette décision :

  • Le chiffre d'affaires d'une société peut constituer une information privilégiée. La Commission des sanctions a précisé que, pris isolément, le chiffre d'affaires ne peut seul suffire à fonder une décision d'investissement, mais que, mis en relation avec d'autres éléments, cette donnée n'est pas sans intérêt et pourrait être utilisée par un investisseur raisonnable pour motiver ses décisions d'investissement. De plus, la Commission des sanctions a retenu qu'en l'espèce, la Société avait rapproché, dans sa communication au public, son chiffre d'affaires et ses prévisions de résultat, ce qui indique l'importance que la Société accordait à cette information.
  • L'AMF s'est fondée notamment sur l'écart entre le chiffre d'affaires anticipé et le chiffre d'affaires effectivement annoncé. Dans ses premières observations, la Société avait fait état d'un consensus des analystes de 19,106 milliards d'euros puis, dans ses observations ultérieures, d'une moyenne non pondérée des prévisions de chiffre d'affaires au titre de l'exercice 2004 de 19,251 milliards d'euros. L'AMF a estimé que le montant du chiffre d'affaires publié le 3 février 2005, soit 19,56 milliards d'euros, étant supérieur tant aux prévisions antérieurement publiées par la Société qu'aux estimations des analystes, il constituait une information privilégiée.
  • L'information relative au chiffre d'affaires d'un émetteur est susceptible d'avoir une influence sur le cours du titre de cet émetteur. Dans sa décision de sanction, l'AMF a fait état du fait que, le lendemain de la publication du communiqué, le volume des échanges portant sur le titre de la Société a quadruplé et le cours de l'action a augmenté de 3,16% (soit la deuxième plus forte hausse du cours de la Société entre le 1er septembre 2004 et le 1er mars 2005).
  • L'information relative au chiffre d'affaires d'un émetteur est susceptible d'avoir une influence sur le cours du titre des sociétés du même secteur d'activités. La Commission des sanctions a relevé que le rachat d'actions par la Société alors qu'elle détenait une information privilégiée n'a pas seulement eu une influence sur le cours du titre de la Société mais également sur les cours des sociétés du même secteur d'activités.
  • La décision de sanction prise par l'AMF prend en compte les motivations de l'émetteur. La Commission des sanctions de l'AMF a indiqué avoir pris en compte le fait que la Société tentait de compenser, par des rachats d'actions, la dilution du capital résultant des exercices d'options de souscription et des souscriptions au plan d'épargne groupe, et de ce fait elle a choisi de limiter sa sanction à un montant forfaitaire de 800 000 euros (inférieur au montant maximum de 1,5 millions d'euros ou égal au décuple du montant des profits éventuellement réalisés). L'AMF a donc choisi de sanctionner la Société, mais de manière mesurée dans la mesure où les rachats d'actions incriminés ont été motivés par les besoins réels de la Société.
  • L'AMF est également sensible à la mise en place de mesures permettant de prévenir la réitération de ces manquements. La Commission des sanctions a également pris en compte, dans sa décision de sanction, certaines mesures mises en place par la Société depuis la date des griefs invoqués, afin de prévenir la réitération de manquements de ce type.
  • Les décisions de la Commission des sanctions de l'AMF peuvent être rendues plusieurs années après l'ouverture de l'enquête. En l'espèce, l'enquête de l'AMF a été ouverte le 19 septembre 2006 et portait sur des informations financières datant du 31 décembre 2003. Cette enquête a ensuite été étendue au marché du titre à compter du 31 décembre 2003 par décision du Secrétaire général de l'AMF du 2 août 2007. Enfin, la sanction a été prononcée par l'AMF le 22 janvier 2009. Ainsi, la décision de la Commission des sanctions a été rendue trois ans après l'ouverture de l'enquête et six ans après la survenance des faits reprochés.

Cette décision de sanction de l'AMF qui condamne pour la première fois un émetteur pour manquement d'initié à raison de la poursuite d'un programme de rachat d'actions alors qu'il existait un décalage entre le chiffre d'affaires anticipé par le marché et celui effectivement annoncé, doit inciter les émetteurs, leurs dirigeants et plus généralement toute personne initiée à toujours plus de prudence quant aux interventions sur les titres d'une société cotée et notamment au moment de la mise en œuvre d'un programme de rachat d'actions.

Il convient de noter que la Société a indiqué, dans son rapport annuel 2008 déposé auprès de l'AMF le 27 mars 2009, que la direction générale de Vinci a décidé d'interjeter appel de cette décision.


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